Ces yeux peuvent-ils mentir? Le dragon nucléaire prêt pour le grand bond en avant.

Ces yeux peuvent-ils mentir? Le dragon nucléaire prêt pour le grand bond en avant.
Fragment artykułu -przeglądu energetyki światowej. Skupiłem się na Chinach. Czytać z dużą uwagą, stąd ten tytuł. MD]

Si l’EPR finlandais a démarré à la fin de l’année 2021 pour une production à pleine puissance prévue pour la mi-2022 « après seize ans de chantier et douze ans de retard sur la date de mise en service prévue initialement », la situation reste critique, sinon pour le moins incertaine, pour son homologue français. Le début de l’année 2022 a en effet vu EDF reporter une nouvelle fois la mise en service de l’’EPR de Flamanville « de fin 2022 au second trimestre 2023 ». Selon la Cour des comptes qui qualifie le projet d’ « échec opérationnel », le coût total du chantier s’élèvera « à plus de 19 milliards d’euros ». La mise en service du réacteur de 3ème génération qu’est l’EPR de Flamanville était initialement prévue pour 2012 pour un budget prévisionnel de 3 milliards d’euros…

Le secteur nucléaire chinois, qui a pour sa part ravi le 2nd rang mondial à la France en produisant plus de 366 TWh en 2020 (contre 171 TWh en 2015 et 70 TWh en 2009), se porte à l’inverse comme un charme. En 2021, la Chine a produit 410 TWh d’électricité d’origine nucléaire pour une puissance installée en service de 54 GW. Si cette puissance installée est encore éloignée de celle des USA (93 réacteurs totalisant 95 GW dont la moyenne d’âge est de 42 ans), elle ne le restera pas encore très longtemps, la Chine visant une capacité installée (en service et en construction) de 100 GW à l’horizon 2025 et de 200 GW à l’horizon 2035 (soit une production annuelle de l’ordre de 1 500 TWh). A la fin de l’année 2021, la Chine comptait 16 réacteurs en construction (dont 12 réacteurs de 3ème génération Hualong-1, d’une puissance de 1,1 GW dotés d’une durée de vie nominale de 60 ans). Le 1er janvier 2022, la Chine comptait deux réacteurs Hualong-1 en service (Fuqing-5 et Fuqing-6), sans oublier Kanupp-2 et Kanupp-3 (entrés en service aux printemps 2021 et 2022 au Pakistan). Hualong-1, dont le taux d’équipements indigènes dépasse déjà 90 %, devrait surtout rapidement céder la place à une version optimisée (Hualong-2) d’ici 2024, qui verra le coût de construction passer de 17 000 à 13 000 yuans par kW installé (soit à peine plus de 2 milliards de $ US par unité) et la durée de construction ramenée de 5 à 4 ans.

Outre le réacteur Hualong-1, la Chine est également en train de construire ses deux premiers réacteurs CAP1400 sur le site de Shidao Bay (un autre modèle de REP de conception indigène de 3ème génération d’une puissance de 1,5 GW). Lancée en juillet 2019, la construction de ces réacteurs possédant plus de 90 % de composants indigènes doit s’achever en 2025.

La mise en œuvre à grande échelle de réacteurs chinois de 3ème génération est cependant loin d’être la seule réalisation majeure du secteur nucléaire chinois.

Le début de l’année 2022 a ainsi vu la connexion au réseau du premier des deux réacteurs nucléaires de démonstration de 4ème génération de la centrale de Shidaowan. Quand le deuxième réacteur sera mis en service cette année, les deux réacteurs à haute température (HTRC), d’une puissance thermique de 250 MW chacun produiront un total de 210 MW d’électricité (soit un rendement de 42 % et une production annuelle de 1,4 TWh suffisante pour 2 millions d’habitants). La construction de ce nouveau type de réacteur nucléaire refroidi à l’hélium (en place de l’eau pressurisée) est une première mondiale qui amène les experts occidentaux à reconnaître que « la Chine prend de l’avance dans la course aux nouveaux réacteurs nucléaires ».

Quelques mois auparavant, la Chine avait achevé la construction d’un autre réacteur expérimental de 4ème génération à sels fondus et au thorium, situé en plein désert de Gobi. Cette technologie brièvement explorée par les USA dans les années 1960, possède de multiples avantages, que ce soit en termes de sécurité, de déchets et d’approvisionnement en combustible, sans oublier son affranchissement de la dépendance traditionnelle à l’eau.

« Sur le papier, le mariage réacteur à sels fondus et thorium semble donc avoir tout bon. Si on n’y a pas eu recours plus tôt, « c’est essentiellement parce que l’uranium 235 était le candidat naturel pour les réacteurs nucléaires et que le marché n’a pas cherché beaucoup plus loin » ».

La commercialisation de ce nouveau type de réacteur nucléaire qui « ne présenterait que des avantages » et ne « produirait quasiment pas de déchets radioactifs » est prévue à l’horizon 2030.

Il faut en effet savoir que les réacteurs nucléaires (de 2ème et 3ème générations) basés sur l’uranium 235, le seul isotope d’uranium qui soit naturellement fissile, sont dépendants d’un combustible particulièrement rare qui ne représente que 0,7 % de l’uranium disponible (constitué à 99,3 % d’uranium 238 non-fissile). Le thorium 232, aussi commun que le plomb, résoudrait encore plus radicalement la problématique de la disponibilité à grande échelle très limitée du combustible nucléaire…

Enfin, il est également essentiel de souligner que deux réacteurs nucléaires de 4ème génération CFR-600 (réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, également appelés surgénérateurs) sont aujourd’hui en construction sur le site de Xiapu (depuis décembre 2017 et décembre 2020), avec des mises en service respectives prévues pour 2023 et 2026. Ce type de réacteur peut être alimenté par de l’uranium 238 et grâce au traitement du combustible usé des centrales nucléaires traditionnelles.

En d’autres termes, la filière nucléaire chinoise est aujourd’hui en train de tester les principaux types de réacteurs nucléaires de 4ème génération, qui ont tous vu leur développement être abandonné par l’Occident, et ce comme le préalable évident à leur développement à grande échelle… Les inquiétudes croissantes de l’Occident en ce qui concerne les futures centrales nucléaires chinoises, notamment celles utilisant l’uranium 238, qui promettent à la Chine une transition vers une énergie abondante, relativement propre et bon marché, sont évidemment maquillées par leurs préoccupations sécuritaires, ces réacteurs de 4ème génération permettant notamment de produire du plutonium 239 à usage militaire…

Même les médias atlantistes les plus obstinément enragés, bien qu’ils se limitent à n’évoquer lapidairement que la partie visible de l’iceberg et ne puissent se départir de préjugés « sur la capacité du pays à sécuriser ses centrales » ainsi que sa communication « tchernobylesque », sont aujourd’hui forcés de reconnaître les réalisations et les ambitions mondiales sans précédent de la filière nucléaire chinoise et sa compétitivité internationale inégalée avec un coût du MWh estimé à 36 euros, contre 83 euros en Occident :

« Le pays compte ainsi bâtir plus de 150 nouveaux réacteurs dans les quinze prochaines années – plus que le reste du monde les trente-cinq précédentes. Le plan devrait coûter au pays la bagatelle de 380 milliards d’euros, avec l’objectif annoncé de produire 200 gigawatts d’ici 2035 ».

Alors que l’Occident hésite entre l’abandon (Japon, Allemagne) et la prolongation (USA, France) de ses parcs nucléaires vieillissants, se débattant entre aujourd’hui surcoûts, malfaçons, pertes de compétences et explosion du coût des énergies fossiles après des décennies de sous-investissement chronique dans son un secteur énergétique, sous-investissement motivé par l’avènement de « l’économie de bazar » occidentale post-industrielle, la Chine se dote aujourd’hui d’un mix énergétique de tout premier ordre (constitué de centrales thermiques, hydroélectriques, nucléaires, éoliennes et solaires) capable de lui assurer un avantage comparatif clef et par conséquent une compétitivité à long terme. Les analystes occidentaux les plus honnêtes et lucides soulignent surtout que la Chine a réalisé « une montée en puissance « tous azimuts » du nucléaire » :

« Ce pays ne se contente plus de construire et d’exploiter des réacteurs conçus à l’étranger. En s’inspirant des technologies françaises et américaines, il a acquis une maturité industrielle qui lui permet dorénavant de concevoir et construire des réacteurs dans des délais qu’aucun pays ne parvient plus à atteindre (5 ans à 6 ans). Leur coût annoncé, autour de 5 milliards d’euros, est largement inférieur à celui des autres réacteurs de troisième génération dans le monde. Les réacteurs chinois de troisième génération tels que le Hualong-1 et le CAP1400 équiperont majoritairement les nouvelles centrales nucléaires en Chine, et peut-être ailleurs dans le monde ».

Dans un article intitulé « Le dragon nucléaire chinois prêt pour le grand bond en avant », ces mêmes analystes soulignent que « cet essor industriel est inégalé dans l’histoire du nucléaire mondial » et conduira inévitablement à rapidement faire de la Chine « la référence en matière de centrales nucléaires car l’énorme volume de ce programme conduira à une optimisation industrielle et à la baisse des coûts de construction qui favoriseront encore davantage son déploiement », notamment à l’international.

En outre, la Chine vise à augmenter le rendement énergétique global des réacteurs nucléaires (voisin de 35 % sur les générateurs de type REP) en récupérant les calories (habituellement dissipées sous forme de vapeur d’eau au niveau des tours de refroidissement) en vue de la production d’eau chaude destinée au chauffage urbain. Un réacteur nucléaire générant 1 GW d’électricité possède une puissance thermique brute voisine de 3 GW, c’est-à-dire que seul un tiers de l’énergie thermique produite par les réactions de fission est convertie en électricité. Le 9 novembre 2021, La Chine a ainsi inauguré le premier chauffage nucléaire urbain du Monde couvrant la totalité de la zone urbaine de la ville de Haiyang (200 000 habitants sur 4,5 millions de m2 habitables). D’autres villes chinoises (comme Qingdao) en bénéficieront également, avec la promesse d’une bien meilleure rentabilité à long terme que la combustion d’énergies fossiles… Enfin, le tableau ne serait pas complet si nous n’évoquions pas la perspective à plus long terme (de l’ordre de trois décennies au moins), de la maîtrise de la fusion nucléaire, et donc la création d’un soleil artificiel. La Chine là encore à l’avant-garde de la recherche mondiale, avec pas moins de 6 réacteurs à fusion expérimentaux en fonctionnement… A n’en pas douter, le XXIème siècle promet d’être « le siècle chinois », n’en déplaise au camp atlantiste…

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